Le Monde diplomatique
juin 2006
Jean-Christophe Servant
A travers les bidonvilles de la planète
On peut reprocher un côté chaotique au brûlot de Mike Davis (1) : plus de deux cents pages consacrées à ces « bidonvilliens » qui seront près de quatre milliards en 2025. A la manière d’une tornade, cet universitaire américain connu pour ses essais transversaux – dont Génocides tropicaux et City of Quartz (2) – pulvérise sur les pages de son ouvrage la réalité des bidonvilles de la planète entre débris de vies et rapports. Notes et réflexions s’accumulent en un agglomérat de données aussi vertigineuses que le spectacle presque trop terrifiant pour être vrai des slums.
Engagé tout à la fois dans une virulente démonstration des périls – en premier lieu écologiques –, dans le descriptif de l’âpre quotidien d’un milliard d’exclus et dans une dénonciation du système néolibéral, Davis en fait parfois presque un peu trop. Ou pas assez. La version définitive de son livre s’écarte ainsi d’intéressantes pistes eschatologiques préalablement abordées (le chapitre « Marx et le Saint Esprit ») dans le long article préliminaire paru dans la New Left Review et qui a donné naissance à Planet of Slums (3). Et puis, passé la dépression et l’errance fiévreuse qui nous emmène de la Rocinha (Rio de Janeiro) à Kibera (Nairobi) et de Cité Soleil (Port-au-Prince) au Bangalore invisible qui cercle la Silicon Valley indienne, passé les retombées de débris – dont une grande partie issue du rapport-clé de l’ONU-Habitat en 2003 (4) –, tout redevient clair comme un ciel d’après tempête. […]